Quelle semaine avec cette histoire de Bedford!
Est-ce que j’ai besoin de récapituler l’histoire? J’ai l’impression que non… ou peut-être que je m’en convainc parce que je suis trop paresseux. Je vais tout de même donner le crédit à la journaliste Valérie Lebeuf qui a révélé l’affaire au 98.5.
Il est aussi possible de lire le fameux rapport d’enquête jadis confidentiel du gouvernement.
Lorsqu’il est question du Québec et de la religion, dans le monde anglo-saxon, on présente souvent le Québec d’une façon très peu flatteuse. Au pire, on est des intolérants xénophobes. Au mieux, on est des ignorants comme ce couple à la Commission Bouchard-Taylor qui trouvait dont ça bizarre que des musulmans prient nu-pieds.
Selon moi, si on a envie de caricaturer le Québec à grands coups de traits pas subtils, on devrait plutôt s’inspirer des auteurs de ce rapport d’enquête. Leur valeur cardinale? Ne pas avoir l’air intolérant. C’est tout ce qui compte.
Mais petite parenthèse, êtes-vous tombés sur ce nouveau sondage sorti hier soir?
Même avec tous les problèmes récents reliés à l’immigration, on apprend que c’est au Québec où l’on retrouve le moins de personnes qui trouvent que c’est rendu un peu too much. J’ai ma petite théorie (quelque peu démago) sur ces résultats.
Les Québécois ont tellement étés marqués au fer rouge de leur supposée intolérance que même quand l’immigration ne fait plus aucun sens pour personne, autant au niveau culturel qu’économique, on a encore une masse importante d’irréductibles qui préfère maintenir son refrain comme quoi tout est parfait.
Fin de la parenthèse.
L’ultime tolérance
Dans le rapport d’enquête sur Bedford, c’est spectaculaire à quel point on danse autour de l’aspect religieux. En fait, jamais ne parle-t-on de religion dans le rapport. C’est plus qu’un cas d’éléphant dans la pièce. C’est comme avoir trois éléphants d’assis sur leurs genoux et faire comme si de rien n’était.
Suite à ce long Compostelle de marchage sur des œufs, il était particulièrement rafraichissant d’entendre Marwah Rizqy en discuter au micro de Dutrizac.
Remarquez à quel point Marwah est à l’aise, directe et franche. Bien sûr, Rizqy cochent plusieurs cases qui lui permettent de discuter de la situation sans se faire traiter bêtement d’intolérante xénophobe.
C’est une femme d’origine marocaine
Elle est député du Parti Libéral du Québec
On s’entend, elle est plus difficile à disqualifier qu’un méchant homme blanc séparatiste. Mais même avec son casting avantageux, elle démontre tout de même beaucoup de courage et d’intégrité. On a bien tenté de la faire taire en lui disant que ses critiques pourraient faire fermer l’école et qu’on laisserait tous ces pauvres enfants à la rue, mais elle a choisi de faire la bonne affaire pour le bien des élèves.
Mais du côté de Bedford, tous les intervenants impliqués ont préféré fermer les yeux sur ces histoires d’obscurantisme. Ils ont choisi de se protéger contre les risques à leur précieuse réputation de gens ouverts. La qualité d’éducation des étudiants, ça arrivait beaucoup plus tard dans la liste des priorités.
Je comprends les gens qui souhaitent éviter de tomber dans l’islamophobie, mais lorsqu’on est rendu à laisser tomber des enfants pour ne pas vexer personne, il y a une marge. Combien de cohortes a-t-on abandonnées par crainte d’être accusé (à tort) d’intolérance?
Notre système d’éducation représente l’outil numéro un d’intégration. C’est notre principal rempart pour protéger nos enfants face aux tentacules de ces institutions religieuses. Mais pour ce faire, ça demande un certain courage. Ça demande de s’assumer.
Du grand Mulcair
Thomas Mulcair symbolise exactement le courant culpabilisant qui a poussé les auteurs du rapport à se faire aussi timide sur l’aspect religieux. Je vous présente cet extrait à La Joute où il se scandalisait qu’on ose évoquer l’origine nationale des enseignants problématiques.
Il faut dire que je suis d’accord en partie. C’est assez malaisant d’étiqueter autant les personnes impliquées selon leur pays d’origine. Sauf que c’est là toute l’ironie. Si on parle autant de l’origine nationale des gens, c’est parce qu’on a eu trop peur de nommer le religieux.
Mais pour Mulcair, il serait tout aussi intolérant de nommer la religion des gens. Dans la philosophie canadienne, on aime s’imaginer que la religion est un truc privé qui n’a aucun impact sur le réel. Ça n’influence les valeurs de personne. Dans le cas présent, si les membres d’une même religion militent ensemble pour pousser leur système de valeurs, on devrait faire l’effort de s’inventer une réalité alternative où tout ça ne serait qu’un hasard non pertinent.
Pourtant, adhérer à une religion, ça représente quelque chose d’assez clair :
Croire en ses principes fondamentaux et sa doctrine
Participer à ses rituels et pratiques
Faire partie de sa communauté de croyants
Suivre ses enseignements moraux et éthiques
Adopter une vision du monde basée sur ses croyances
On aime souvent s’imaginer un croyant utopique qui adhèrerait à ses croyances religieuses à la maison sans jamais que ça aille d’impact sur la société, mais c’est bien naïf. Bien sûr, ça existe. Il est tout à fait possible qu’un croyant soit respectueux de son entourage et n’impose jamais ses valeurs à personne. Mais si les grandes religions de ce monde dictaient à leurs adeptes de garder leurs valeurs pour soi, aucune ne ferait encore partie des grandes religions de ce monde.
C’est une partie intégrante de ces grandes religions de propager, militer, convertir. Par définition, ces institutions millénaires souhaitent s’étendre et se perpétuer. Quand tu possèdes la « vérité » sur les bonnes valeurs qui te viennent directement d’un dieu suprême, ce n’est pas le genre de truc qu’on garde pour soi. Surtout dans une école.
Et même si je respecte le droit individuel à la croyance (voire au Père Noël ou à la théorie du ruissellement), se fermer les yeux sur l’impact de la religion sur une personne, un groupe ou leurs comportements, c’est le type de candeur qui peut donner ce qui arrive avec Bedford. Et il y a trois autres écoles sous enquête.
J’ai une question que j’aime poser lorsqu’il est question de religion : est-ce qu’on aurait agi de la même façon s’il était question de scientologie?
L’histoire du Québec
C’est là que l’histoire du Québec est primordiale. Je sais que ces temps-ci, il est de bon ton de dire combien tout va mal au Québec. En fait, si on s’intéresse moindrement au reste du monde, on réalise que nous vivons dans une ère où le discours défaitiste est dominant partout. À peu près tout le monde est persuadé de vivre dans le pire pays de la planète et que tout va mal.
Sauf que le parcours du Québec avec la religion, c’est une de ses plus belles et grandes forces. Dans notre histoire, on a bien vu jusqu’où la religion pouvait s’implanter et on s’est révolté. Et même si les nations voisines ou certaines personnes qui débarquent ne le saisissent pas encore, c’est une force.
Si le Québec souhaite continuer à cheminer, je nous souhaite de nous inspirer de Marwah Rizqy. Une femme qui, malgré tout le mépris des Thomas Mulcair de ce monde, continue d’être guidée par des principes forts, de l’intégrité et surtout, du courage.
L'accent actuel sur les cas des écoles publiques Bedford et plus m'agace car cette situation ignore les écoles privées confessionnelles ou autres protégées par le ministre de l'Éducation: la population les finance à 60 % selon le ministre sans vraiment vérifier les valeurs qu'on y inculque. J'y ai passé mon adolescence et je demeure persuadé que le fantasme de préparer l'élite du futur est encore très favorisée. En résumé, pourquoi ne pas réserver les écoles privées seulement à ceux qui peuvent les payer à 100 % ?
Très bonne réflexion...