Je viens d’entendre Émilie Nicolas à Tout un matin qui utilise encore le même stratagème explosif. Elle est là pour discuter du 1000e tableau de bord de la CAQ qui porte cette fois sur la situation de la langue. Ils nommaient trois trucs qui seront comptabilisés :
Pour madame Nicolas, tout cela est une preuve concrète que si quelqu’un n’a pas le français comme langue maternelle ou parlée à la maison, ce qu’on leur dit, bien concrètement, c’est qu’on les considère comme une menace.
Elle prend même la peine de dire que ces gens-là ne le réalisent pas, mais ce qu’on leur dit, c’est qu’ils sont une menace.
C’est un stratagème très utilisé chez les multiculturaliste fragiles. On n’explique pas au nouvel arrivant le contexte de notre petite province francophone dans l’océan anglophone. Dans ce cas-là, on ne souhaite même pas essayer de leur faire comprendre qu’on aimerait garder une image globale de la santé de notre langue.
Nonon, on leur explique le Québec souffre de paranoïa débile et voit l’autre comme une menace.
Elle se met même à nommer des Dany Laferrière et Kim Thúy qui, selon elle, sont maintenant pris pour des menaces. Elle fait la chronique du matin avec Dimitri Soudas qui lui aussi serait une menace.
Ce qui est particulier, c’est qu’en tant qu’indépendantiste, on se fait faire un procès d’intention sur chaque choix de mot ou expression qu’on utilise pour représenter le déclin démographique du Québec dans le Canada. Chaque expression se fait vite disqualifier sous prétexte que ce serait trop violent et trop radical. On se fait aussi dire qu’on fait de la « victimisation ».
Mais inventer que le gouvernement du Québec prend les gens qui arrivent pour des menaces, là, on laisse dire ça et on fait passer ça comme de l’ouverture sur le monde.
La personne qui vient d’arriver au Québec et qui entend qu’on la prend pour une menace parce qu’Émilie Nicolas et d’autres multuculturalistes veulent gagner des petits points en faveur du leur modèle de société, qu’est-ce que ça donne sur le tissu social? Antagoniser des gens qui n’ont pas encore de culture politique québécoise, ce n’est pas un jeu assez dangereux?
Pour la langue, on a encore les deux même camps.
Les fans du « Québec où l’on vit en français ».
Les fans du « Canada bilingue » où ça pourrait être bien d’apprendre le français pour les fois où on devrait avoir à l’utiliser au Québec.
(Est-ce que le modèle #1 peut vraiment exister dans le Canada? J’ai mes doutes. D’ailleurs, quelques minutes avant, Nicolas défendait que le « bonjour-hi » n’est pas un problème puisqu’il offre encore la possibilité au client de parler français.)
Depuis qu’on souhaite connaitre la langue parlée à la maison et la langue maternelle, les fans du « bilinguisme » réagissent un peu comme si le gouvernement était sur le point de voter des lois pour les forcer à parler français dans leur salon.
C’est n’importe quoi. Pourtant, je suis loin d’être un fan de la CAQ. La CAQ est un parti électoraliste qui cherche toujours à faire plaisir aux gens qui votent CAQ et faire payer le prix aux autres. Par exemple, comme la CAQ est un parti de chars, ils vont faire des lois qui font plaisir aux chars et ils n’hésiteront pas à laisser mourir le transport en commun dans le processus.
Pour la langue, ils vont faire chier les anglos de Montréal pour avoir l’air nationaliste, mais ils ne vont jamais considérer d’étendre la loi 101 aux cégeps parce que ça viendrait déranger les parents dans leur électorat qui souhaitent envoyer leurs enfants au cégep en anglais.
Mais là, à part les crinqués qui se piquent dans les yeux avec des chroniques de The Gazette, qui pense sérieusement que la CAQ (ou quiconque) va légiférer sur la langue à la maison?
Le raisonnement est pourtant simple. Le Québec fait venir un paquet de monde de partout sur la planète qui se joignent à sa petite culture fragile et on essaie de se garder au courant des effets sur la santé de la langue.
Qu’est-ce qu’il y a de plus normal que ça? Bien sûr, ce n’est pas le genre d’initiative qui existe en Ontario ou à New York, mais est-ce que ça la rend moins valable pour autant?
Si par exemple, on se rend compte que le nombre de personnes qui parlent surtout anglais à la maison est passé de 10% à 40% en quelques années, n’est-ce pas utile d’être mis au courant? À l’inverse, si on se rend compte que la loi 101 fait très bien le travail, n’est-ce pas aussi pratique de le savoir?
Je ne comprends comment on puisse trouver intelligent d’utiliser ça pour antagoniser des citoyens. C’est aussi irresponsable que dangereux.
Il y a de ces militants du rêve déchu d’un Canada bilingue coast to coast qui aimeraient que le Québec puisse juste fermer ses petits yeux le temps que le français devienne une espèce de langue désincarnée qui se maintient seulement via des lois qui ne représentent plus la culture de personne. Que la petite grenouille poursuive sa baignade jusqu’à l’ébullition sans s’en rendre compte pour qu’on puisse enfin cesser de parler de ces maudites histoires de langue.
Je n’irais pas jusqu’à dire que ces gens-là représentent une menace, mais ils sont petits.