Le samedi à 16h sur Ici Première (et bientôt sur RDI), c’est le retour depuis quelques semaines de Tout peut arriver, une émission avec laquelle j’ai un rapport amour-haine. Comme avec son animatrice, d’ailleurs.
Marie-Louise Arsenault est une intervieweuse de grand talent. Ses entrevues sont à peu près toujours bonnes et intéressantes. Elle pose les bonnes questions et elle sait y aller juste assez dans le crunchy. Elle et Stéphan Bureau représentent sûrement les meilleurs de la profession depuis la légende Christiane Charette.
Au fait, que se passe-t-il avec Stéphan Bureau? Il a vraiment pris goût à sa posture d’ultime défenseur de Trump au Québec. On dirait qu’il cherche à contre-balancer à lui seul toute la propension québécoise à préférer les Démocrates. Bureau a toujours aimé troller en adopteant un rôle de méchant comme à la lutte, mais là on dirait carrément un manager de la WWE.
Ce qui est ironique (au sens Alanis du terme), c’est que MLA me rappelle son némésis, Mathieu Bock-Côté. Dans le sens où les deux ont tendance à aborder des sujets sociaux qui m’intéressent, sauf que je suis souvent en désaccord avec eux.
Avec MBC, on clashe parce que je suis très progressiste alors qu’il est très conservateur. L’indépendance est le point où nos opinions se recoupent.
Avec MLA, c’est plutôt le clash typique entre la gauche woke et la gauche dite traditionnelle. On a sensiblement les mêmes valeurs, mais on ne les classe pas dans le même ordre.
Ces clashs rendent parfois mon écoute frustrante, mais j’ai l’impression que c’est pire à Tout peut arriver parce que je sens (de façon un peu irrationnelle) qu’ils sont huit autour de la table et quatorze recherchistes en arrière à tous penser pareil sans jamais se remettre en question.
Je n’ai pas de problème à ce que la gauche QS possède son émission à Radio-Canada. Je nous souhaite un diffuseur public qui donne une place à un peu tout le monde dans une diversité de points de vue. Ce qui me dérange avec cette gauche-là, c’est qu’ils semblent toujours persuadés que toutes leurs critiques viennent exclusivement de réacs et de conservateurs figés dans le passé.
Pourtant, je n’ai pas une once de conservatisme en moi et je suis encore moins nostalgique. Je suis un idéaliste. Un rêveur pour qui la société n’avance jamais assez rapidement. C’est une des raisons pourquoi je suis indépendantiste. C’est un bond en avant qui nous permettrait de régler plusieurs problèmes d’un coup. Ce serait une occasion unique de réformer notre démocratie en profondeur. L’occasion de se détacher du reste du Canada qui souhaite aller dans une autre direction.
Mais voilà, quand j’écoute Tout peut arriver, ils semblent tellement persuadés que toute critique leur vient d’une droite intolérante qui mange du woke au petit déjeuner. Un exemple de ça est survenu la semaine passée alors que Maxime Pedneaud-Jobin a osé critiquer Anas Hassouna, chroniqueur à TPA.
Malheureusement, le réflexe d’Hassouna a tout de suite été de sous-entendre que MPJ est le typique intolérant qui ne le considère pas comme un vrai Québécois. Et bien sûr, sur les réseaux sociaux, Hassouna doit constamment se taper des tonnes de tatas qui le réduisent à un faux statut d’immigrant. Mais est-ce que c’était le cas de Maxime Pedneaud-Jobin? Absolument pas.
En fait, je suis certain que si les deux hommes avaient pris le temps de se jaser un peu directement, ça se serait réglé en quelques minutes dans un climat beaucoup plus constructif. Mais voilà, on est resté un peu bêtement à l’étape du name-calling.
Un autre moment très parlant (et cocasse) est survenu lors de l’interview avec Boucar Diouf à Dans les médias, l’autre émission dirigée par Marie-Louise Arsenault.
Elle semblait sous le choc lorsque Boucar s’est indigné qu’on le ramène constamment à son statut d’immigrant en entrevue. Cette fois-ci, il était difficile de disqualifier la critique puisque Diouf est impossible à classer dans une catégorie de conservateur intolérant.
Pourtant, déjà en 2019, même Barack Obama avait bien illustré le problème avec la culture woke, mais même cinq ans plus tard, il faut croire que l’introspection est toujours en rupture de stock.
Dans les dernières années, cette gauche-là a tiré à multiple reprises dans les jambes du mouvement indépendantiste.
Les Francine Pelletier de ce monde ont sorti des documentaires pour nous convaincre que le mouvement indépendantiste québécois est un mouvement d’arriérés, les pieds bien pris dans les pires années d’Hérouxville.
D’ailleurs, on apprenait à Tout peut arriver que depuis 12 ans, Francine Pelletier suit Gabriel Nadeau-Dubois un peu partout pour en faire un documentaire. C’était une pièce du casse-tête qu’il me manquait et qui explique certaines choses.
Dans cette mouvance-là, on tricote souvent pour salir les militants indépendantistes. Un exemple du type de tricot qui me dérange, c’est cette association qu’on fait souvent :
Jean Boulet, ministre de la CAQ, sort lors d’une campagne électorale que 80% des immigrants sont des BS. Une déclaration parfaitement fausse, débile et raciste.
La CAQ est un parti qui flashe un nationalisme identitaire de façade en élection pour scorer des points politiques.
L’indépendance est une démarche d’émancipation nationaliste.
Les indépendantistes dans leur ensemble méritent donc d’être représentés par la déclaration de Jean Boulet.
Même si la CAQ est un parti fédéraliste, on associe quand même leurs conneries et leur trip duplessiste au projet d’indépendance. Un projet que la CAQ combat quotidiennement.
Pour le clan des GND, Francine Pelletier et l’équipe de Tout peut arriver, on participe à présenter le projet indépendantiste comme un trip conservateur. Ils s’effacent eux-mêmes pour réduire le mouvement à une caricature où Mathieu Bock-Côté est le marionnettiste suprême au top de la pyramide.
Encore une fois, pour cette gauche-là, les gens comme moi n’existent pas. Les Jean-Martin Aussant n’existent pas. Les Catherine Fournier n’existent pas. Les Pascal Paradis n’existent pas. Les initiatives transpartisanes comme Oui Québec n’existent pas. Même Ruba Ghazal, qui est pourtant de Québec solidaire, ne semble pas exister.
On préfère nous dessiner un univers parallèle où François Legault, Bernard Drainville et Jean Boulet sont les cool kids de la souveraineté.
C’est triste parce qu’une émission comme Tout peut arriver, c’est en plein le type de tribune qui sera cruciale pour le camp du oui.
Il y a encore trop de gens à gauche qui se refusent d’adhérer publiquement au projet d’indépendance par peur d’être associé à tort à ce nationalisme caquiste. J’ai plein d’amis artistes qui préfèrent se qualifier d’agnostique sur la question nationale en attendant que ça redevienne une étiquette moins toxique.
Si ça n’arrive pas à Tout peut arriver, j’ai de la misère à voir où ça pourrait se faire à Radio-Canada. Ça n’arrivera certainement pas aux Coulisses du pouvoir et leur panel fédéraliste. Ça n’arrivera pas à Zone info avec Gérald Fillion, ni à Midi Info avec Alec Castonguay.
C’est à Tout peut arriver où ça pourrait peut-être arriver, mais pour l’instant, la gauche QS semble encore préférer le style très clivant d’un Gabriel Nadeau-Dubois au style plus rassembleur d’une Ruba Ghazal.
Voilà un excellent texte, que je partage quasi entièrement, à l'exception peut-être du fait que je suis beaucoup plus sévère que l'auteur (monsieur Chandonnet) envers MLA et sa clique de "faux-joyeux " rassemblés autour de la table à chaque émission. En tant qu'animatrice sur les ondes d'une radio d'état, madame Arsenault pourrait juste se contenter de jouer (la fausse) l'objectivité journalistique, mais non ... Elle se sent obligée de faire du zèle et elle en remet constamment en matière de politiquement correct et autres billevesées bien-pensantes de cette eau ... Ce faisant, elle (et son équipe) rendent cette émission parfaitement imbuvable pour les auditeurs et inéquitable pour les invités qui ne sont pas dans la lignée post-nationaliste et multuculturaliste de la gauche intersectionnelle qui y sévit. Cela étant, le pseudo-humour antinationaliste et racialiste d'Hassouna qu'a dénoncé avec raison MPJ, n'est que la pointe de cet iceberg de "wokisme" qui rend ce genre d'émission-spectacle abject à mes yeux. Ici, dans le cas de l'humoriste fielleux, MLA aurait pu et du y mettre un stop mais que voulez-vous ... Le courage et l'honnêteté intellectuelle ne sont hélas pas l'apanage de tout le monde, on l'a encore une fois bien vu ici. Enfin ... ;)