Peut-on annuler la stupidité?
(Pour raison de quota excédé depuis un criss de bout, ce texte ne contiendra aucun jeu de mots avec bouleau.)
La culture de l’annulation est un autre de ces concepts modernes qui deviennent tellement utilisés et récupérés à toutes les sauces qu’ils en deviennent ridicules. J’ai l’impression que ça fait une douzaine d’années qu’on répète ce genre de phénomène. Les médias sautent sur une expression et ça se met à exploser dans tous les sens.
L’intimidation scolaire
Un exemple de ce travers médiatique est survenu lors des années du Printemps érable. À ce moment-là, dans les médias, le sujet à la mode était l’intimidation dans les écoles. On avait une discussion de société sur le bullying scolaire et on essayait de prendre conscience de nos comportements présents et passés. Sauf qu’alors que ça commençait à chauffer entre le mouvement étudiant et le gouvernement du Parti libéral, Jean Charest avait essayé de se placer comme une pauvre victime intimidée.
Je ne sais pas combien de jeunes en train de se faire crisser une volée près des autobus se sont sentis full représentés par leur premier ministre.
La vague
Dans les dernières années, ce fut au tour de la culture de l’annulation de faire jaser tout le monde. Un concept qui indique bel et bien un mouvement, et oserais-je dire aussi, une époque?
Le pic de cette vague idéologique, c’est en 2018 alors que Disney congédiait James Gunn, le cinéaste derrière les Guardians of the Galaxy. Pourquoi? Parce que du monde sur internet avait ressorti ses vieux tweets d’humour controversé à thématique de viol et de pédophilie.
Je demeure persuadé que Disney se sacrait bien de ces quelques tweets incompris par son public familial (stuck-up?), mais alors que le mouvement #metoo prenait de l’ampleur, les émotions étaient fortes et on mélangeait un peu tout alors sous la pression, Disney a préféré jouer safe.
(Par chance, il été réembauché plus tard et il a pu terminer Guardians of the Galaxy 3, le meilleur film de la trilogie et le seul bon Marvel depuis un bout.)
Pour moi, ce cas-là représentait tous les éléments de la culture d’annulation :
Analyser un truc du passé avec les lunettes d’aujourd’hui
Des gens qui militent pour faire perdre la job de quelqu’un
Une seule faute suffit pour se voir banni à jamais
Des employeurs frileux qui prennent la mauvaise décision devant la pression populaire
Mais ce matin, je lisais le texte de Marie-France Bazzo qui associait le phénomène à l’histoire de Guillaume Lemay-Thivierge, et je ne suis pas vraiment d’accord.
https://www.lapresse.ca/dialogue/chroniques/2024-03-26/l-annulation.php
Pour que Guillaume Lemay-Thivierge s’inscrive dans ce phénomène de la cancel culture, il aurait fallu qu’il en soit à sa première frasque. Si on basait tout sur son humour déconnecté avec le n-word, je pourrais comprendre le lien.
Sauf que GLT surfe sur une séquence difficile à battre en terme de scandales auto-infligés. Non seulement il semble en provoquer un par année, mais ses excuses sont souvent pires que le geste initial.
Le Sac de chips (l’ultime source) avait bien récapitulé.
Pendant la pandémie, tout le monde se souvient des histoires de vaccins, et on peut être d’accord ou non avec ses décisions, mais je pense qu’on peut tous s’entendre que nous faire accroire qu’il attend un vaccin québécois, c’était de prendre tout le monde pour des caves.
Ensuite, il y a l’épisode de délire aux Gémeaux où il décide de monter sur la scène pour improviser une sortie malaisante que personne ne comprend. Encore une fois, on se pose des questions sur son jugement.
Maintenant, il y a l’histoire du gag plus que douteux avec le n-word, mais encore une fois, il en rajoute lui-même. Désespéré, il prend encore le monde pour des caves en jurant sur la tête de ses enfants qu’il n’avait pas vu le mot gravé sur l’arbre.
À force de bullshiter et de prendre le public pour des idiots, le lien de confiance va se rompre. C’est juste normal.
Des contrats comme faire des pubs de char ou faire chanter des mascottes, ce sont des jobs qui payent vraiment très très cher pour une bonne raison : l’amour et la sympathie du public. Ce sont des postes hyper contingentés qu’on donne aux très rares personnalités qui sont populaires à un niveau exceptionnel.
C’est juste normal que GLT finisse par perdre de ce type de contrat à force de mettre le feu à sa relation avec le public québécois. On n’a pas fait perdre la job à un homme qui pile des planches dans une usine et qui a dit une niaiserie dans un vox pop de Nantel.
« You can’t fix stupid »
Bien sûr, ça n’empêche pas d’éprouver de l’empathie pour Lemay-Thivierge. C’est triste, une personne qui semble juste incapable de s’empêcher de se faire des jambettes à répétition. C’est de l’auto-sabotage de haut niveau! Mais si ça peut l’encourager, on voit déjà revenir des vedettes comme Maripier Morin et Julien Lacroix. Le public québécois est très conciliant. Mais à un certain point, il faudrait commencer à les respecter le moindrement.