Plusieurs textes dans les derniers jours sur cette histoire horrible qui secoue la France : les viols de Mazan.
L’histoire d’un boomer dépravé qui droguait sa femme de 71 ans. Une fois qu’elle était inconsciente, différents hommes venaient la violer, la plupart du temps sans condom. Des dizaines d’hommes sont embarquées dans ces rendez-vous sordides. Et comme le bourreau archivait tout ça sur son ordinateur, ils ont retrouvé une grande partie de tous ces déviants ayant participé à ces espèces de viols à la chaine.
Tout le stratagème est absolument dépourvu de la moindre humanité.
La dame est bien allée voir son médecin pour se plaindre de douleurs et de pertes de mémoire, mais rien dans la machine n’aura pu sauver la dame avant que l’homme se fasse prendre pour un autre délit : il filmait sous les jupes des femmes à l’épicerie.
Vraiment le niveau suprême de l’homme poubelle.
Et bien qu’on puisse tenter de se dédouaner en tant que société (ou en tant qu’homme) que le vieux timbré est une rare exception dans la matrice, comment expliquer qu’autant d’hommes se soient montrés partants pour embarquer dans une telle horreur?
Quel est ce fuck bien masculin?
Dans sa chronique à Qub, Isabelle Maréchal a ressorti cette statistique controversée comme quoi un homme sur trois commettrait un viol s’il était assuré à 100% de ne jamais se faire prendre. Elle ne nommait pas sa source, mais je suis assez certain qu’elle parle de cette étude remise en doute de 2015.
Bien que la statistique ait été contestée (pour de bonnes raisons), l’élément que j’avais trouvé intéressant à l’époque, c’est combien ces jeunes universitaires au profil problématique ne se perçoivent pas comme des violeurs.
Dans leur imaginaire et leur perception d’eux-mêmes, un viol représente un truc horrible qui survient dans une ruelle par une personne horrible alors qu’eux, dans leur tête, ils ne sont que des petits garçons qui souhaitent baiser une femme, ni vu ni connu. Rien de maléfique. Ils ne sont pas des monstres.
Et même si la statistique de l’homme sur trois a été discréditée, je demeure persuadé que le réel pourcentage est tout aussi affolant. C’est un problème de culture qui est très évident. Dès qu’on a un minimum d’amies au féminin, les histoires horribles sont nombreuses, et ce, depuis bien avant #metoo.
Plein d’anecdotes qui mettent en évidence un élément commun : l’important déficit d’empathie qu’affichent certains hommes envers les femmes.
Comment se développe l’empathie?
Pendant plusieurs années, je me suis demandé comment j’avais réussi à développer une empathie pour les femmes, une empathie qui ne semblait pas aller de soi chez d’autres d’hommes.
Était-ce parce que je suis le deuxième enfant d’une famille de trois enfants avec une grande sœur et une petite sœur? Surement en partie, mais l’empathie chez l’humain ne semble pas réservée aux familles nombreuses.
Était-ce parce que j’ai grandi avec une mère bipolaire et suicidaire dont je me sentais responsable dès un très jeune âge? Surement en partie, mais l’empathie chez l’humain n’est pas le résultat d’un trauma.
D’ailleurs, ma mère me faisait souvent remarquer combien j’étais un « petit gars sensible » alors que j’avais tendance à pleurer facilement. Et même si, comme plusieurs auteurs, je puisse être catégorisée comme plus sensible que la moyenne, l’empathie chez l’humain n’est pas un trait de caractère.
L’empathie, bien qu'influencée par nos expériences de vie, se construit par l'observation, l'apprentissage et la volonté de comprendre autrui. Ce n'est pas une qualité immuable, mais une compétence que l'on peut développer.
D’ailleurs, si j’étais responsable du programme scolaire, j’y placerais à l’âge approprié un bon film ou un bon livre qui raconte l’histoire d’une femme victime de viol. Une histoire captivante avec du storytelling de qualité qui démontrerait bien toutes les conséquences qui peuvent résulter d’une agression sexuelle dans la vie d’une femme. Comment ça peut affecter et briser quelqu’un fondamentalement et pour le reste de sa vie. On pourrait aussi montrer combien le violeur de son côté peut avoir l’impression qu’il n’a rien fait de si dramatique.
Une multitude d’éléments fondamentaux qui viendraient éduquer l’adolescent et l’aider à prendre conscience s’il n’a jamais pris le temps de considérer toutes les conséquences. L’ado qui peut s’imaginer bêtement qu’une agression sexuelle n’est qu’une malchance ponctuelle qui est désagréable comme de perdre son portefeuille ou de recevoir un double-échec au hockey qu’on a déjà oublié deux semaines plus tard.
La déshumanisation
Au-delà du manque d’empathie pour les femmes, c’est la vision totalement déshumanisante que certains hommes ont des femmes.
On a parlé abondamment dans nos médias de l’objectification de la femme dans la publicité et dans les films. Une femme qu’on réduit à une partie de son corps. Un cul à baiser. Des seins à peloter. Mais sans nier les impacts de la femme-objet, je pense que l’idée de l’objet n’est pas la meilleure. Ces hommes ne voient pas la femme comme un objet, mais ils ne la voient pas comme un humain à part entière non plus.
Un animal de compagnie?
On traine encore dans nos cultures et nos religions immensément machistes et patriarcales cet élément de femme comme possession. Dans nos médias, on entend souvent des pensées banalisées que je trouve inquiétantes.
Par exemple, lorsqu’il est question d’une agression sexuelle, il n’est pas rare d’entendre un père de famille intervenir avec l’angle « moi, depuis je suis père de deux petites filles, vous comprendrez que c’est le type de drame qui me touche particulièrement ».
Et bien que je saisisse l’attachement viscéral que les parents puissent éprouver pour leurs enfants, si un homme a besoin de devenir le parent d’une fille pour éprouver une empathie de base envers le sexe opposé, ça me semble problématique. D’ailleurs, on n’entend jamais une mère parler de ces garçons de cette façon-là. Ça semble aller de soi que l’empathie était présente bien avant de devenir mère.
Une autre formulation banale que je trouve symptomatique lorsque ce genre de drame est abordé dans les médias, ce sont ces personnes qui trouvent utile de sensibiliser les hommes avec des phrases du genre « imagine si c’était arrivé à ta fille, imagine si c’était arrivé à ta mère ».
Traduction : « imagine si quelqu’un s’était attaqué à l’un des tiens ».
On tente de faire appel au côté protecteur de l’homme dans une structure patriarcale. Mais avec cet angle-là, est-ce que ça demande à ce que l’homme considère la femme comme un humain à part entière? La réponse est non.
D’ailleurs, j’avais reproché au président de la LHJMQ il y a quelques mois qu’ont présente souvent aux jeunes hommes les femmes comme un piège à éviter. Agresser une femme, ce n’est pas de bousiller la vie de quelqu’un, c’est de bousiller sa propre carrière de joueur de hockey… si on se fait prendre.
La séduction qui parle
Dans le monde du dating, on a beau être en 2024 et parler d’égalité des sexes depuis des décennies, il y a un sujet qui demeure indémodable :
À la fin d’une première date, qui doit ramasser la facture?
Qu’on parle à un boomer, un X, Y, Z ou alpha, qu’on soit sur un Facebook pour les vieux ou un TikTok pour les jeunes dansants, c’est 99% du temps la même réponse : c’est à l’homme de payer.
Des milliers de fois par année, on se retape le même gag du gars qui attend de savoir s’il pourra baiser la fille avant de décider s’il payera la facture.
Bien sûr, ce sont des blagues. On peut se dire que ce n’est qu’une tradition de galanterie. Après tout, l’homme sain saura voir la différence entre « payer une sortie avec une femme » et carrément « se payer une femme », mais il reste que l’importance qu’occupe ce geste dans la culture est représentative. C’est transactionnel. C’est une dynamique claire de pouvoir.
Quand tu payes une treat à ton chat, t’as beau le faire par pure gentillesse et le chat a beau être le plus indépendant de tous les chats, la dynamique de pouvoir demeure la même.
Les tombeurs
Sur les réseaux sociaux, on remarque une proportion croissante d’hommes désespérés de baiser, mais qui en sont incapables. Toute une industrie s’est formée sur la séduction, mais souvent sur comment « attraper » des femmes. Des hommes qui montrent à d’autres hommes l’équivalent de comment aller à la chasse aux faisans… ou comment pêcher à la dynamite.
On y va pour le nombre.
Ce n’est pas nécessairement mauvais. Personnellement, j’ai toujours été horrible pour approcher une femme. J’ai peur de déranger. J’ai peur qu’elle me rejette. Mais la séduction, c’est un peu comme une entrevue d’embauche. Si on est trop insécure ou désespéré, ça ne fonctionnera pas. Il vaut mieux avoir une attitude saine du « Si ça fonctionne, c’est super. Si ça ne fonctionne pas, ce n’est vraiment pas grave. »
Sauf que certains hommes arrivent à ce résultat avec une déshumanisation de la femme. Une façon de mieux tolérer le rejet, c’est d’adopter son mindset en se disant que ce ne sont « que des femmes ». D’ailleurs, une étude européenne (que je ne retrouve malheureusement pas) m’étais longtemps restée en tête. On avait remarqué que les pays d’Europe où les hommes sont reconnus comme étant les meilleurs séducteurs, ce sont aussi les pays avec le plus de violence conjugale.
Plus facile de séduire quand on conçoit la femme comme une sorte de sous-espèce à piéger. Comme des barbottes dans un lac.
L’homme qui pêche une barbotte, il ne perd pas tant d’énergie à se soucier de sa détresse. Il ne réfléchit pas à l’idée qu’il est en train de scraper une famille de barbottes ou qu’elle souffre le martyr. Je me rappelle que enfants, mon père nous disait d’une manière super scientifique « bah, elles sentent rien! »
Je ne vous raconte pas ça pour vous pousser au véganisme. Je ne souhaite qu’imager cet état d’esprit déshumanisant. Ce coté « Bah, on va pas virer fou avec ça. C’est juste une barbotte. »
L’histoire se termine lors de la remise à l’eau. La suite, on s’en soucie zéro.
C’est cette fréquence de déshumanisation que je reconnais chez certains hommes envers les femmes. On n’a pas tant à réfléchir aux conséquences de nos gestes sur leur existence car après tout, ce ne sont que des femmes.
Réflexions intéressantes...