Je me considère quelqu’un d’assez doué pour juger du caractère des gens, mais force est de constater que je l’ai échappé souvent dans le choix de mes modèles. En fait, c’est assez spectaculaire à quel point les vedettes que j’ai choisi d’idolâtrer au cours de ma vie se sont souvent avérées des désastres.
Woody Allen
Le cas suprême est surement Woody Allen. Voici l’histoire de ses controverses, résumée par mon assistant du jour, Chat-GPT.
La controverse autour de Woody Allen repose principalement sur des accusations d’abus sexuels formulées en 1992 par sa fille adoptive, Dylan Farrow, qu’il a toujours niées, et sur sa relation avec Soon-Yi Previn, la fille adoptive de son ex-compagne Mia Farrow, qu’il a épousée en 1997. Bien qu’aucune charge légale n’ait été retenue contre lui, le mouvement #MeToo a ravivé ces accusations, entrainant des boycotts et un impact négatif sur sa carrière.
Dès la fin de mon adolescence, j’ai été happé par les œuvres de Woody Allen. Je me trouvais tant privilégié d’avoir accès à autant de vérités du monde des adultes. Je me projetais aussi dans ce gars anxieux et moche qui arrivait à entrer en relation avec des femmes incroyables. C’était un imaginaire fascinant et j’y remarquais une telle audace dans le propos sur le relationnel, le sexuel et la vie. Je suis tombé en amour avec le ton où l’on arrivait à dire des trucs importants, tout en maintenant un aspect humoristique impeccable.
Séparer l’œuvre de l’artiste
Dans ce genre de discussion sur les artistes qui s’écroulent, on se demande souvent si on devrait « séparer l’œuvre de l’artiste ». Rationnellement, je crois que ça devrait être le cas, mais personnellement, ça dépend de la situation.
Il y a des dissociations qui sont plus faciles à faire. Par exemple, pour une raison que je m’explique mal, je n’ai pas de misère à apprécier Black or White de Michael Jackson quand elle passe à la radio. Mon malaise est somme toute assez… mineur. Il m’est aussi assez facile de continuer à apprécier un film comme Baby Driver d’Edgar Wright, même si Kevin Spacey y joue un petit rôle.
Sauf qu’en regardant les films de Woody Allen, je tombais en amour avec son cerveau. Avec sa sagesse. J’appréciais la fréquence sur laquelle ce gars-là voyait le monde. Mais là, il y a une énorme différence entre :
M’intéresser aux histoires d’un homme vieillissant qui s’intéresse encore aux jeunes femmes plus belles que lui.
M’intéresser à un cinéaste accusé de pédophilie, qui se pogne la fille adoptive de son ex et qui, possiblement, utilise son art pour justifier ses comportements déviants dans une succession de plaidoyers artistiques assez ignobles.
Pas tout à fait la même expérience cinéma.
Mais Allen est loin d’être la seule idole qui m’a déçu.
Will Smith
Chat-GPT nous résume ça :
Will Smith a fait face à un certain niveau de « cancel culture » après l'incident lors des Oscars 2022, lorsqu'il a giflé Chris Rock en direct sur scène. Chris Rock, qui était en train de présenter un prix, a fait une blague à propos de Jada Pinkett Smith, l'épouse de Will Smith qui médiatise dans les dernières années ses histoires extraconjugales.
J’ai appris l’anglais grâce à la série culte The Fresh Prince of Bel-Air. Ce qui aidait à apprendre, c’est que j’arrivais à deviner les gags assez récurrents. On se moquait d’Uncle Phil qui est gros, Carlton qui est petit, Hilary qui est nounoune.
C’est aussi une série qui m’a sensibilisé aux enjeux de la communauté noire aux États-Unis. Il faut dire que c’était quelque chose, au début des années 90 de présenter une famille noire riche et éduquée. La figure paternelle, Uncle Phil, était juge. La figure maternelle, Aunt Viv était professeure à l’université. Une famille exemplaire qui clashait avec les stéréotypes.
Ce que j’ai toujours admiré dans cette série, c’est qu’on osait y aller dans le plus dramatique. Dans la grande majorité des sitcoms, on a besoin de mettre des gags partout. Par exemple, même s’il y a des moments plus tristes dans Friends, on se sent toujours obligé d’ajouter un gag dans la seconde suivante pour désamorcer tout semblant de tension. Dans le Fresh Prince, on pouvait terminer un épisode avec une finale hyper dramatique où tout le monde a les larmes aux yeux.
Le personnage de Will était mon héros. Un gars drôle. Un séducteur qui se pognait les plus belles femmes du monde chaque semaine. J’étais même assez fan pour être fier lorsque l’acteur a réussi à transposer sa carrière au cinéma avec Independence Day. Mais bon, je ne connaissais rien de l’homme.
Il y a eu la controverse aux Oscars avec Chris Rock qui montrait bien toute la taille de son égo, mais déjà à l’époque du Fresh Prince, on avait remplacé la comédienne qui jouait Aunt Viv. Les conséquences sur la carrière et la vie de Janet Hubert ont été très lourdes où évidemment, tout le monde s’était rangé du côté de la jeune superstar. Y compris les fans naïfs comme moi qui n’en savaient rien.
Il y a aussi un paquet de petits détails qui me gossent. Smith tente souvent d’imposer ses modèles religieux et patriarcaux dans ses projets. Ou lors d’un film où il jouait un homosexuel, il a refusé d’embrasser l’autre comédien sur la bouche. (Pourtant, on le voyait se faire grimper en levrette, ahah!)
Bon, rien n’est du niveau de Woody Allen, mais c’était un peu l’erreur typique d’aimer un personnage à l’écran en s’imaginant que l’acteur derrière les kodaks doit être une aussi bonne personne.
Louis CK
Alors que les deux premiers modèles étaient des choix à l’adolescence que je pourrais classer dans les « erreurs de jeunesse », j’étais bel et bien un total adulte avec le suivant. En 2017, Louis CK était selon moi, et assez unanimement, l’humoriste le plus drôle sur la planète. Puis, suis à une décennie de rumeurs, il y a eu cet article dans le New York Times qui venait tout confirmer.
À toi, GP :
Les controverses autour de Louis C.K. découlent principalement d’accusations de harcèlement sexuel révélées en 2017. Plusieurs femmes ont affirmé qu’il s’était masturbé devant elles ou avait demandé à le faire dans des contextes professionnels, ce que Louis C.K. a reconnu comme étant vrai.
On a beaucoup parlé des histoires de Louis CK qui se branlait devant des femmes, et bien sûr, dans un contexte de travail, c’est inacceptable. D’ailleurs, Sarah Silverman racontait qu’elle l’avait déjà laissé faire. (Source.)
Mais sincèrement, ce n’est jamais ce qui m’a dérangé le plus. J’irais même jusqu’à dire que si le gars s’était « seulement » branlé deux-trois fois sur ses lieux de travail, ce serait plutôt pardonnable avec un gars repentant.
Bon, je ne dis pas que c’est OK pour un homme de se crosser devant ses collègues de job sans leur consentement, mais pour moi, dans le cas de CK, c’est la suite de l’histoire qui est mille fois pire et qui me rend ça plus difficile de lui trouver un pardon. C’est qu’après avoir traumatisé plusieurs humoristes avec ses comportements pervers, CK a démontré toute sa petitesse dans sa gestion de l’histoire.
Alors que des humoristes moins connues se plaignaient de ses comportements, CK et son agent (le même que Bill Burr) continuaient de nier toutes les histoires. Ces artistes-là se faisaient donc traiter de tous les noms. En plus, CK devenait de plus en plus puissant dans l’industrie, et l’idole de plusieurs. Son ombre se répandait absolument partout, ce qui laissait bien peu de place pour ses victimes qui continuaient de se faire ostraciser.
Autre élément qui rend mon pardon plus difficile, c’est que CK n’a avoué ses torts que lorsqu’il n’en était qu’absolument obligé. On pourrait croire qu’un déviant quelconque et pas trop intelligent n’aurait pas réalisé tout le mal qu’il a provoqué, sauf que la base de tout mon respect pour Louis CK comme artiste, c’était justement pour sa capacité exceptionnelle à comprendre l’humain.
S’il y a quelqu’un qui pouvait comprendre tout le mal qu’il causait, c’est bien Louis. Et il n’a rien fait. C’est son égoïsme et sa lâcheté qui ont eu le dessus alors qu’il se faisait aduler de tous. Surtout, je pense sincèrement que si le New York Times n’avait jamais sorti l’histoire, ou si #MeToo n’avait jamais eu lieu, CK aurait choisi de passer toute sa vie à ne rien dire.
Je peux avoir de l’empathie pour une personne avec un kink problématique, mais avoir de l’empathie pour quelqu’un qui démontre aussi peu d’empathie et de compassion envers ses victimes, c’est moins évident.
Joss Whedon
Whedon est moins connu du grand public, mais c’est un scénariste légendaire qui se trouve derrière le succès culte comme Buffy the Vampire Slayer, mais aussi des œuvres hyper populaires comme le premier Avengers de Marvel. Il a aussi influencé des réalisateurs modernes tels que James Gunn et Edgar Wright.
Les controverses autour de Joss Whedon concernent principalement des accusations de comportement abusif sur ses plateaux de tournage. Ces accusations ont été suivies par des témoignages d’acteurs, comme Gal Gadot et Charisma Carpenter (Buffy the Vampire Slayer), qui ont décrit des humiliations et une atmosphère toxique sous sa direction. Ces révélations ont terni son image, particulièrement auprès des fans qui l’associaient à des œuvres célébrant le féminisme et l’inclusivité, créant un contraste marquant avec son comportement présumé en coulisses.
Whedon n’est pas la première personne à présenter une espèce de vertu de façade. Le féminisme de Joss Whedon a été révolutionnaire à la fin des années 90. Tout le concept de Buffy the Vampire Slayer, c’était que la belle fille, qui était habituellement la victime dans les films d’horreur, devenait l’héroïne qui botte le cul des monstres.
Le gars se faisait inviter dans des universités pour donner des discours sur le sujet alors qu’en arrière-plan, il se comportait comme une marde. Je suis loin de défendre l’idée qu’un artiste devrait être parfait dans sa vie personnelle pour présenter des œuvres bienveillantes ou avec de bonnes valeurs, mais juste d’être un humain décent qui ne traite pas ses employés comme de la marde, ce n’est pas tant demander.
Une chance qu’on s’a…
Par chance, il y a une idole que j’ai conservée tout au long de ma vie : Yvon Deschamps. Yvon a suivi le Québec dans toute son émancipation, en lui montrant ses travers avec une sagesse exceptionnelle. En termes de hockey, on parlerait d’une sagesse générationnelle.
Plus jeune, j’étais le kid dans un party qui pouvait réciter de longs bouts de ses monologues que je connaissais littéralement par cœur. (Presque aussi gossant qu’un gratteux de guitare.)
Bien sûr, Yvon a vécu une multitude de controverses à travers ses numéros avant-gardistes, mais chaque fois, on lui reconnaissait son grand cœur qui primait sur tout. Son art a frappé fort, mais la dernière fois où ç’aurait pu mal finir côté relations publiques, c’est lorsqu’il racontait, juste après #metoo, qu’il s’était fait agresser sexuellement par un homme à un très jeune âge et il se traitait d’épais.
Avec mon humour douteux, je trouvais ça très drôle et siiiiii malaisant de le voir se blâmer lui-même en tant que victime. C’était tellement politiquement incorrect. Mais bon, Deschamps a 300 ans et c’était une autre époque. On ne va pas lui en vouloir pour ça.
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J’ai encore quelques personnes que j’admire. J’admire beaucoup le parcours d’un Ricky Gervais qui a écrit The Office passé 40 ans et qui utilise son succès pour écrire des œuvres aux propositions moins sexy telles que Derek. Conan O’Brien semble une des vraies bonnes personnes à Hollywood et j’adore ses talents d’improvisateur lorsqu’il se promène à travers le monde (Conan Without Borders, Conan Must Go). Je suis fasciné par son aptitude à être drôle avec une multitude de cultures alors que bien souvent, il ne parle même pas la langue.
Mais avec le temps, je réalise de plus en plus que personne n’est réellement extraordinaire sur tous les points. Je ne suis pas cynique au point de dire que que tout le monde s’avère une poubelle ou une déception. C’est juste que tout le monde est humain.
À part Yvon, évidemment.
Mais c’est toi que je veux lire, pas ChatGPT…