Connaissez-vous le Nombre de Dunbar?
Voici la définition de Wikipedia :
Le nombre de Dunbar est le nombre maximum d'individus avec lesquels une personne peut entretenir simultanément une relation humaine stable. Cette limite est inhérente à la taille de notre cerveau impliquée dans les fonctions cognitives dites supérieures, le néocortex.
Ce nombre est estimé par l'anthropologue britannique Robin Dunbar à une valeur admise en pratique de 150 personnes, mais se situe dans une fourchette de 100 et 230 personnes.
Ça peut paraitre peu, mais dans l’histoire de l’humain, cette capacité s’est avérée exceptionnelle et nous a donné plusieurs avantages.
La communication au sein de grands groupes a favorisé la transmission des connaissances et des compétences, permettant aux cultures humaines de se développer et de s'adapter rapidement.
Les récits, les traditions et les innovations pouvaient être partagés et préservés au sein de groupes sociaux plus larges, renforçant la continuité culturelle et technologique.
Autre point non négligeable, quand vient le temps de s’accoupler et de développer des lignées pas trop consanguines, ça aide d’avoir des cercles sociaux assez grands.
Capacité cognitive limitée
Le concept du nombre de Dunbar ne date que de 1992, mais il est devenu encore plus d’actualité avec l’avènement des réseaux sociaux où on a bien réalisé que même si on nous offre la possibilité d’être relié à des milliers de personnes, est-ce qu’on arrive vraiment à se soucier de toutes ces personnes? Oh que non.
En fait, ce qui est intéressant de réaliser, c’est qu’au niveau cognitif, l’humain en est simplement incapable.
Ça m’a fait réfléchir sur d’autres manifestations de ces limites qui pourraient expliquer plusieurs de nos comportements. Si ce n’est pas déjà fait, ce serait cool que des chercheurs se penchent sur ces questions.
Fatigue de compassion
Par exemple, on déplore souvent que la population ne s’intéresse pas suffisamment aux nouvelles internationales. On nous culpabilise de s’intéresser davantage à la dernière maladie de Céline qu’au génocide dans un pays africain et on tentera d’en tirer des conclusions, parfois très sévères.
On n’arrive pas à s’intéresser à tout. On n’arrive pas à s’indigner suffisamment sur toutes les guerres qui se déroulent en même temps. On atteint notre quota avant ça.
Il faut dire qu’il n’y a que quelques années, l’humain n’avait que sa famille et son petit village à se soucier, et en quelques années, on souhaiterait qu’il éprouve de l’empathie pour la planète au complet. On souffre d’une espèce de fatigue de compassion.
« As-tu été secoué par l’implosion du petit submersible de touristes Titanic? »
Pas tant, non. Peut-être quand James Cameron en fera un film.
Bon, je suis loin de proposer que nos salles de nouvelles abandonnent les topos de géopolitique pour se concentrer sur les bobos de Céline, des Kardashian et du Prince Harry. Je fais seulement dire que ça peut expliquer pourquoi certaines nouvelles plus superficielles en apparence ont parfois tendance à venir chercher davantage l’intérêt des gens.
La taille d’un pays
D’ailleurs, avez-vous déjà remarqué qu’au Québec, on accorde beaucoup plus d’importance au gouvernement provincial qu’au fédéral? Même chez les initiés de la politique, ils pourront nommer aisément plusieurs ministres du gouvernement du Québec. On connaitra leur personnalité et on les appellera par leur petit nom.
Mais au niveau fédéral? L’image est beaucoup plus abstraite. On ne connaitra que les chefs ou le ministre qui passe le plus souvent aux nouvelles ces temps-ci. On leur laisse souvent une partie gratuite. Ils sont à un niveau supérieur alors sans les connaitre, on s’imagine qu’ils doivent être… meilleurs?
Je me questionne s’il n’existe pas une taille optimale à la représentation dans une démocratie.
Ce n’est surement pas un hasard si les démocraties plus petites en nombre parviennent à créer des sociétés plus justes, égalitaires et agiles. Je parlais récemment de la Finlande, le pays le plus heureux au monde. Il y a assurément une limite à combien un groupe peut grossir avant d’en subir les contrecoups. Sans avoir à adopter la structure d’une colonie d’abeilles.
Bien que les États-Unis aient réussi à devenir le pays le plus puissant au monde avec leurs 333 millions d’Américains, ont-ils une société ou une démocratie enviable en standards de 2024? Non. En fait, existe-t-il un symbole plus clair d’une démocratie en banqueroute que le duel entre Trump et Biden?
Les deux meilleurs représentants de ces centaines de millions d’habitants étaient deux papis millionnaires déconnectés? Ces pays monstres semblent voués à imploser sous le poids de leur opulence. On y reconnait souvent des modèles où une élite utilise le reste de la population comme du bétail. La déconnexion se creuse et se creuse.
Pas seulement une déconnexion entre les élus et les électeurs, mais une déconnexion parmi les citoyens entre eux. L’écart entre les riches et les pauvres s’agrandit. On se crée des « gated communities » pour s’assurer que les pauvres ne viendront pas affecter notre petit coin de société.
« No more fucks to give », littéralement
Bref, je suis loin d’être un expert en anthropologie ou neuropsychologie alors je me contente seulement de poser des questions, mais c’était un concept que j’avais envie de partager pour réfléchir sur nos limites et leurs incidences.
Pourquoi certains drames à deux personnes nous affectent plus qu’un drame qui touche des milliers de personnes? Pourquoi les gens d’un petit village se regardent plus dans les yeux que les gens dans le métro? Pourquoi les deux solitudes du Canada n’arrivent jamais à s’intéresser vraiment une à l’autre? En fait, pourquoi les majorités en général parviennent souvent bien mal à se soucier des minorités?
Bien sûr, on ne doit pas cesser de faire des efforts. L’idée n’est pas d’utiliser tout ça comme une grosse excuse pour se sacrer du reste de la planète. C’est plus de se questionner à comment procéder pour tenir compte de nos limites bien humaines. Se demander, au-delà de l’autoflagellation, comment peut-on s’ajuster en tant que société pour optimiser ces limites et arriver à un maximum d’épanouissement, autant au niveau individuel que collectif.