Ça doit faire une vingtaine d’années que je mets beaucoup trop de temps à m’obstiner sur toutes les sections de commentaires que l’internet nous a fournies. Je me classe assurément dans le top rang percentile des humains incarnant ce dessin classique :
Tout ce temps jumelé à mon aisance pour lire la personnalité des gens, j’ai développé une expertise (autoproclamée) pour répertorier le profil des différents commenteux. Je sais reconnaitre les intervenants de bonne bonne foi, je sais comment manier les différents types de trolls et surtout, je sais reconnaitre les gens qui ne vont pas bien.
Les gens ne vont pas bien
Dans les dernières années, on a perdu de grandes parties de l’internet aux mains des gens qui ne vont pas bien. D’ailleurs, en cours d’écriture de ce texte, je suis tombé sur Boucar Diouf qui parlait de façon très éloquente des impacts négatifs de la technologie. C’était au balado de l’humoriste Jerr Alain.
Et même si les éléments qui contribuent à notre aliénation sont fortement reliés aux avancées technologiques comme les mobiles, les réseaux sociaux, les algorithmes toxiques, les chambres d’écho, etc, on sous-estime encore les répercussions de la pandémie.
Pour plusieurs personnes dont la santé mentale était déjà en situation précaire, l’isolement et l’insécurité semi-apocalyptique ont provoqué ce petit quelque chose qui les ont poussés de l’autre côté de la ligne. Tous ces gens qui sont tombés dans :
les conspirations
le rejet plus ou moins rationnel des institutions
la création de comptes anonymes pour envoyer chier tout le monde
l’amertume viscérale contre tout semblant de projet collectif.
Le profil type de la personne qui ne va pas bien, c’est le compte anonyme avec peu d’abonnés dont le contenu se résume à aller planter à répétition à peu près tout le monde qu’ils croisent sur leur chemin avec une violence et une aigreur qui crient la détresse et un immense manque d’attention.
Ils écrivent pour faire mal. Ils ne sont pas là pour discuter ou faire avancer le débat. Ils sont là pour se défouler. Ce n’est pas un hasard si autant d’entre eux viennent à idolâtrer des gens reconnus pour leur acidité et leur manque de compassion tels qu’Elon Musk, Donald Trump ou les Jeff Fillion de ce monde.
Nul besoin d’un postdoc en psycho pour deviner que la vie personnelle de ces gens amers n’est pas la plus épanouie. Leurs insultes en disent toujours plus sur eux que sur leur cible.
L’incel qui tient à dire à toutes les belles filles qu’elles sont des « 2/10 ».
Le bro de sport qui va commenter combien tout le monde est fif.
La personne seule et isolée qui sera hostile à tout projet de solidarité.
Et bien sûr, tous ces gens qui ramènent absolument n’importe quel sujet d’actualité aux satanées mesures de la pandémie. On a beau leur demander de décrocher et de passer à autre chose, ils en sont incapables.
Jasons de solutions
Ça fait un bon moment que je réfléchis sur les solutions possibles. Au fédéral, on discute d’interdire certains propos, mais la censure ne règlera jamais le problème de fond. On discute aussi de légiférer sur les algorithmes, mais les big techs auront toujours plusieurs longueurs d’avance sur nos gouvernements.
Il est aussi super important de préserver la capacité à avoir des discussions viriles. On doit diminuer la quantité de pollueurs qui font virer toutes les discussions en couille et qui font fuir tous les contributeurs raisonnables, mais si ça devient aussi aseptisé que sur LinkedIn, ce sera décevant. Et pour montrer qu’il n’y a pas que Steve Proulx qui peut avoir comme ambition de révolutionner l’internet, voici ma solution pour régler le problème de fond : les gens qui ne vont pas bien.
En gros, je propose une escouade d’une dizaine de psychologues et de travailleurs sociaux qui survoleraient les réseaux sociaux afin de faire des interventions en distanciel.
Lorsqu’on tombe sur quelqu’un qui en est à son dixième tweet d’affilé à traiter des gens de « dômien » sans que personne ne comprenne vraiment ce qu’il raconte, un intervenant pourrait se glisser dans ses DMs pour une petite intervention.
« Ça va? »
Juste un petit message pour offrir de l’aide au besoin.
« Je regardais ta timeline et ça n’a vraiment pas l’air de bien aller. As-tu envie qu’on en parle? »
On pourrait fournir à l’escouade un accès simplifié aux adresses IP. Leur permettre un appel téléphonique à la maison pour quelques questions sur leur santé mentale. Évidemment, la chaleur humaine serait déterminante.
Dès le premier contact, ça pourrait provoquer une prise de conscience d’où ils en sont rendus. Le lundi suivant autour de la machine à café : « Crime, je me suis fait approcher par une psy en fin de semaine parce que je disais trop de niaiseries sur TikTok. J’ai pogné d’quoi. »
Trop souvent, les gens en détresse n’ont pas le recul nécessaire pour aller consulter par eux-mêmes. Les plus vieilles générations trainent aussi un tabou où ils n’ont pas encore normalisé l’idée d’aller consulter afin d’arriver à mieux se gérer eux-mêmes. Évidemment, personne ne peut être contraint à consulter et ce n’est pas souhaitable non plus, mais simplement offrir la chance d’être suivi pour quelques rencontres en visio, c’est un investissement qui ne peut qu’être payant.
Bien que je sois persuadé qu’un investissement public serait judicieux, on pourrait aussi ajouter des options de sociofinancement. Par exemple, on pourrait ajouter des invitations à contribuer directement dans les sections de commentaires.
« Cette section de commentaire était tellement désastreuse que j’ai donné cent dollars. »
« Voici un petit vingt dollars pour me redonner confiance en l’humanité. »
Quand ton commentaire est rendu à 400 piastres de récolté en dons, tu n’as plus trop le choix de te poser quelques questions.
Ce qu’on doit réaliser collectivement, c’est que tous ces gens désagréables qu’on finit par bloquer, ils ne disparaissent pas pour autant. On continue de les trainer au quotidien. Ils continuent de ramer à contrecourant. Chaque personne qui arrive à retrouver sa santé mentale représente un gain déterminant.
Bien sûr, ma mesure est très locale. On ne va pas régler le problème d’un homophobe brésilien ou d’un crinqué religieux de la Corée du Nord. On continuera d’être de plus en plus assiégé par des bots qui tenteront d’influencer le débat public. Mais si on en vient à avoir d’obtenir de bons résultats, ça pourra faire des petits un peu partout sur la planète.
Pour le moment, c’est un peu la métaphore de l’avion qui s’écroule avec tous les masques d’oxygène qui sortent. On doit commencer par mettre notre masque avant d’aller aider les autres à mettre le leur. Sinon, on passe out et on n’aide personne.
Ce sont des idées surtout bonnes à démontrer votre bonne volonté à vouloir changer le monde. Des gens malades il y en a toujours eu. Ça m'affecte beaucoup aussi. Mais force est de constater que leur motivation à changer doit être intrinsèque afin qu'il y ait du changement durable. Et il semble que la souffrance doit être suffisamment grande pour qu'ils franchissent le pas vers un renouveau ! De notre côté, impuissants, on peut tenter d'aider encore, mais on s'épuise si nous le faisons en mode sauveur., Régler la maladie mentale passagère ou persistante me semble être une utopie, surtout la face rivé sur nos écrans. Pour notre propre santé, suffit de déconnecter. D'y être exposé à petites doses seulement. Enfin, je parle pour moi.