J’ai croisé plusieurs fois cette théorie dans mes timelines suite au deuxième film de la trilogie du Spider-verse : Gwen est trans!
Et comme tout ce qui touche à la « transitude », ça se crinque assez vite dans les réactions. D’un côté, on a les fans un peu réactionnaire du « go woke, go broke » et de l’autre, les hyper progressistes qui scandent combien « representation matters ».
Personnellement, je pense qu’il est indéniable que la représentation compte, mais je trouve que dans les dernières années, on s’est un peu planté avec cette théorie : on semble avoir complètement oublié qu’on n’a pas besoin de ressembler à un personnage pour s’y identifier. On n’a pas besoin de cocher toutes les mêmes petites cases à la mode.
On n’a pas besoin d’être petit pour s’identifier à l’histoire d’un petit. Pas besoin d’être noir pour s’identifier à l’histoire d’un noir. Les droitiers peuvent très bien s’identifier aux histoires de gauchers et dans le même sens, Gwen n’a pas besoin d’être trans pour que les trans s’identifient à elle. On peut seulement avoir des points en communs avec leur parcours et ça le fait. C’est ça l’art, en fait. On interprète l’oeuvre à notre façon et avec notre filtre.
Bon, je prévois déjà l’argument de certains militants : c’est facile à dire pour un mâle, blanc, hétéro (et droitier) qui a été surreprésenté dans les médias depuis une éternité. C’est vrai, mais je persiste : on peut très bien s’identifier à l’histoire de gens qui nous sont différents.
D’ailleurs, la grande série télé de mon adolescence était The Fresh Prince of Bel-Air. C’est ce qui a forgé mon humour et une grande partie de mon identité. J’étais fasciné par Will qui arrivait à se pogner plein de chicks incroyables. Et au passage, j’apprenais l’anglais avec des jokes de petits, des jokes de nounounes et des jokes de gros.
(D’ailleurs, un prof d’anglais en secondaire 4 m’avait dit que j’apprenais du mauvais anglais avec ça. Je ne me souviens plus s’il avait qualifié ça « d’anglais de rap » ou « d’anglais de noir », mais il reste que ce sont des propos assez choquants avec mes lunettes d’aujourd’hui. Sans compter que c’était carrément faux. L’anglais était ben correct.)
Bien sûr, pour la communauté noire, la série amenait des éléments importants et émancipateurs. Les parents de la famille de Will étaient des modèles hors-normes. La figure paternelle, uncle Phil, était un juge. La figure maternelle, Aunt Viv, était une professeur d’université. C’était loin d’être les typiques parents de famille noire à l’époque (voire même aujourd’hui).
Représentation DOES matter, mais universellement, Phil et Viv étaient aussi de bons parents, même pour moi, un caucasien au Québec.
D’ailleurs, quand j’écoute d’Adib Alkhalidey raconter son histoire en entrevue comme quoi il est débarqué dans le milieu artistique en arrivant de l’extérieur, il a beau être originaire de l’Irak, avoir grandi sur la ligne orange et se sentir différents des gars comme moi, je m’identifie quand même à son histoire parce que moi j’arrivais de l’Abitibi-Témiscamingue et je me sentais aussi comme un outsider. On a pourtant zéro les mêmes cheveux.
Au même titre que l’on n’a pas besoin d’avoir un background d’Italo-Américain pour s’identifier à Rocky qui arrive à toujours se relever face à l’adversité. Bien sûr, il est devenu un modèle pour cette communauté précisément (Black Panther a aussi eu un impact certain), mais même un grand Russe blond peut s’identifier à Rocky parce que c’est une histoire universellement inspirante.
Si le personnage de Wednesday demeure aussi populaire génération après génération, ce n’est pas pour son orientation sexuelle, son identité de genre ou ses origines latines. C’est avant tout parce qu’elle est une introvertie marginale et on se sent tous comme ça à l’occasion. Surtout à l’école secondaire, mais pas exclusivement.
Bien sûr, on peut se réjouir ou se révolter parce que la nouvelle Petite Sirène est noire, mais je trouve qu’on se plante un peu des deux côtés. C’est bien d’avoir quelques changements de couleurs de peau pour que ce soit moins homogène, mais je trouve ça ridicule qu’on trouve Disney merveilleux là-dedans, alors qu’ils ont sûrement fait tout ça avant tout pour des calculs bien mercantiles.
(Parenthèse, c’est aussi drôle que Disney soit maintenant perçu comme woke et vertueux alors qu’au début des années 2000, on leur reprochait d’être de méchants conservateurs dont le but était de maintenir le patriarcat. Peut-être qu’on va finir par réaliser que Disney est avant tout une machine à imprimer un maximum d’argent en vendant ses parcs d’attraction et des toutous.)
D’ailleurs, pour revenir à mon sujet, je trouve que toute l’histoire de Miles Morales en nouveau Spider-Man est une façon infiniment plus efficace d’amener de la diversité à l’écran.
Et pour revenir à Spider-Gwen qui serait trans, suite à l’écoute des deux films, je ne crois pas que le personnage soit réellement trans. Personnellement, je n’ai rien perçu de ça en regardant les films. Cela dit, si des personnes trans peuvent s’identifier à son histoire et à la courbe du personnage, je trouve ça génial. (Comme avec la trilogie The Matrix.)
Bref, l’expérience humaine est bien plus grande et complexe que ces silos à la mode dans lesquels on tente de nous enfermer. Et il serait bon de se rappeler que c’est une bonne chose. Si l’art contribue à nous démontrer qu’on a tous des points en commun entre nous malgré nos différences, c’est un truc positif dont on devrait se réjouir.