Êtes-vous tombé sur cette histoire d’un joueur de football catholique qui est allé faire un discours à de jeunes diplômés et qui s’est mis à leur partager sa vision de la vie avec toutes ses belles valeurs rétrogrades?
C’était savoureux.
Je vous partage mon bout préféré :
« C’est à vous, les femmes, que l’on raconte les mensonges les plus diaboliques », a-t-il lancé sur l’estrade dans une robe traditionnelle de jeune diplômé. « Certaines d’entre vous mèneront peut-être de grandes carrières. Mais je me risquerai à dire que la majorité d’entre vous se réjouiront surtout de leur futur mariage et des enfants qu’elles mettront au monde ».
Ce que j’adore avec ce type d’histoire, c'est que ça met le spotlight sur tous ces militants qui se disent progressistes, féministes, gauchistes et qui continuent quotidiennement de mettre des efforts à normaliser et à défendre les religions.
Lorsqu’ils tombent sur quelqu’un qui vient dire que les femmes devraient se contenter de rester dans la cuisine à popper des bébés entre deux sandwichs, on s’étonne qu’une personne croyante ait profité de sa position pour exprimer ses valeurs profondes.
Dénonçons-le en espérant que ce sera la dernière fois! On essaie souvent de cibler autre chose que sa religion. On est plus à l’aise de l’attaquer sous l’angle du méchant homme blanc ou de l’athlète américain, parce que la religion, on ne touche pas à ça.
Et je comprends l’idée de vouloir éviter qu’on ostracise les gens d’une certaine religion. On se rappelle tous de la Seconde Guerre mondiale. C’est un bout de l’histoire qu’on ne souhaite jamais répéter.
Ce que je trouve spécial, c’est que qu’une partie de la gauche candide talonne jour et nuit les Conservateurs de sur la possible réouverture du débat sur l’avortement. On va s’attaquer sans relâche aux chroniqueurs du Journal de Montréal parce qu’ils publient des valeurs de droite alors qu’ils ont une grande influence chez le monde ordinaire. On fait même le procès à des gens de l’ancienne gauche parce que la gauche d’il y a 20 ans, c’est vu comme de plus en plus à droite et conservateur.
Mais les religions, dont le concept est littéralement de vendre des valeurs rétrogrades à un maximum de personnes afin de répéter le patriarcat à tout jamais?
Ça reste dans l’angle mort.
Soudainement, le sens critique disparait et c’est le vivre-ensemble et la diversité qui priment. Célébrons cette femme voilée qui est devenu lectrice de nouvelle! Quelle avancée pour nous tous! Protégeons ces minorités fragiles qui ne comptent que quelques milliards d’adeptes.
Après tout, ça ne dérange personne. Ils ne font que leur petite affaire.
Jamais François Legault ou Bernard Drainville n’oseront diriger en fonction de leurs valeurs catholiques pour nous passer une catho-laïcité. Les juges seront assez professionnels pour rester neutres quand viendra le temps de jaser avortement. Sûrement que le joueur de football catho va se garder une petite gêne devant une foule de jeunes étudiants et mille kodaks.
Ah ben crime, non!
Qui aurait pu prévoir un tel revirement de situation?
N’est-ce pas adorable de voir un homme politique nous annoncer que Jésus est vivant? Qu’est-ce que ça pourrait bien changer à ses valeurs ou à son sens du devoir? Le même gars qui parle constamment du « gros bon sens » vient nous parler d’un monsieur magique qui revient de la mort après quelques jours dans sa grotte.
De son côté, Justin est prêt à normaliser (voire adopter) toutes les religions du monde si ça peut lui apporter quelques votes de plus.
Un autre paradoxe, c’est que je vois du monde défendre bec et ongles que la croyance religieuse est un droit incontestable qui fait partie de l’intégrité d’une personne. Pour la loi 21, on raconte combien il serait inhumain de demander à un croyant de nier ses valeurs profondes en retirant un quelconque symbole religieux durant leur quart de travail. Et du même souffle, dans la phrase suivante, on se dira persuadé que ces gens-là arriveront à faire la part des choses et nier leurs valeurs religieuses au moment opportun.
Ce n’est pas un peu candide?
Au Canada, on trouve jolie l’idée que des gens de différentes croyances vénèrent ensemble une diversité de dieux qui n’existent pas. Au Québec, c’est souvent plus qu’on voit la religion comme un grand buffet où chacun choisit ses valeurs et ses rituels préférés selon ce qui fait joli.
On omet les bouts où Dieu semble un peu trop bourru ou « de son époque ». On se concentre sur les bouts où Dieu est amour! On trouve dont intéressant de présenter à la télé une entrevue avec un curé homosexuel, signe que Dieu est en train de cheminer tranquillement en s’éduquant sur les différents sujets.
On aime ça s’imaginer un Dieu qui chemine, se modernise. Dieu est bien assis sur son divan et regarde Radio-Canada. Quand il remarque que les temps changent et qu’il se trouve passé date, il publie une mise à jour.
Et c’était sûrement juste ça le problème avec le joueur de football : il roulait encore sur la vieille version.
Les gens ont le droit de croire à tout ce qu’ils veulent. Ils peuvent croire aux grandes religions classiques ou à un lapin de Pâques qui tire au tarot. Il faut aussi admettre que les gens ne sont pas à 100% leur religion. Mais lorsqu’on participe à normaliser ces croyances via nos institutions, nos médias et nos partis politiques avec un regard hyper complaisant qui valorise l’adhésion à ces croyances, que ce soit par bienveillance ou par électoralisme, on ne peut pas s’étonner si ensuite, la société n’évolue pas aussi rapidement qu’on le souhaiterait.
C’est avantageux si on est conservateur car plus une société est croyante, plus elle est conservatrice. C’est avantageux si on est libéral car les votes religieux permettent souvent d’aller chercher le pouvoir aux élections. Mais si on se dit de gauche ou progressiste et qu’on souhaiterait voir la société avancer, on se tire dans le pied. Et autant de gens qui se tirent dans le pied, ç’a tendance à ralentir le groupe.
Oui, en fait je crois que la plupart des personnes très croyantes viennent de milieux, familiaux ou culturels, qui le sont aussi. Mais en effet, dans tous les cas il y a une naïveté et un côté enfantin dans ce type de croyance.
Je ne méprise pas les personnes croyantes, mais j'ai malheureusement moins de respect pour leur bon sens, justement. Le réconfort que beaucoup trouve à utiliser cette béquille qui lui dicte ses valeurs et sa moralité plutôt que de les cultiver soi-même n'est pas un symbole de grandeur. Au contraire, elle vient souvent avec beaucoup de jugements et de haine. En effet, il faut se méfier de la place de la religion car, contrairement à la croyance populaire, elle fait plus de mal que de bien.