La fierté d'être ignorant
Les réactions de « notre élite » à la fermeture du Journal Métro.
Le Journal Métro a annoncé la suspension de ses activités hier.
https://journalmetro.com/actualites/3140425/metro-suspend-ses-activites/
Encore une fois, les réactions sur Twitter étaient dignes d’un dépotoir. Il faut dire que X continue sa progression pour devenir LE réseau social qui ressemble le plus à un asile à ciel ouvert. C’est un endroit prisé par tous les ignorants du monde qui filent pour venir y vomir leur misère et surtout, leur ignorance.
Après tout, pourquoi consulter un psy quand on peut aller insulter du monde et sortir des idées ridicules sur le site d’Elon Musk? Voici quelques exemples de petits experts qui viennent donner leur point de vue sur la fermeture d’un autre média.
Ce dernier est mon préféré. Comme si les médias essayaient de se réinventer depuis 15 ans par pur plaisir. Pour les personnes qui étaient dans le coma depuis 2004, Meta et Google ont été chercher 90% de la tarte publicitaire, mettant dans le trouble tous les médias de la planète.
Et pas seulement la publicité. Prenons par exemple le journal Voir, mort en 2020.
À son apogée, le Voir faisait une énorme partie de ses revenus avec ses petites annonces. Quiconque voulait se pogner un appart à Montréal, le Voir était LA source! Mais avec les gros joueurs qu’ont amené l’internet, les sites comme Craig’s list et Kijiji sont débarqués et ultimement, tout s’est (encore) ramassé dans la cours du géant Facebook/Meta avec Marketplace.
« Les médias obtiennent ce qu’ils méritent parce qu’ils ont pas été fins! »
On voit beaucoup ça dans les réactions. Des gens qui aiment penser que les médias meurent parce qu’ils sont trop corrompus, croches ou moralisateurs. Sauf que ça n’a pas de lien avec la réalité. C’est même le contraire!
Si quelqu’un veut faire un maximum d’argent avec un média en ce moment, vous voulez connaitre le modèle payant? C’est un genre de gros tas de marde à la Hockey30.
(Si vous ne connaissez pas, c’est une bonne chose.)
Voici la recette :
Vous prenez un sujet déjà hyper populaire (dans ce cas-ci : le hockey et les Canadiens)
Vous créez un site au design laid à quatre piasses et vous placez des publicités absolument PARTOUT
Vous multipliez les « articles » à 14 mots (dont huit fautes) où vous relayez des nouvelles prises ailleurs, qu’elles soient crédibles, vraies ou non
Vous faites zéro recherche et vous spinnez tout avec un angle démago pour générer un maximum de réactions et de clics
Vous gardez les textes non-signés afin que personne ne soit redevable de rien quand viendra le temps d’être confronté sur toute la bullshit produite
Tout ça écrit par des gens encore moins intelligents qu’une gang de singes attardés
Et ça, c’est en entendant que les proprios en haut apprennent comment se servir des AI et remplacent tous ces abrutis de service pour générer encore plus de bruit à encore moins de frais.
Est-ce que ça crée du contenu original ou de qualité? Zéro.
Est-ce que ça crée des journalistes de carrière? Zéro.
Est-ce que ça amène quelque chose à la société à part de l’argent facile à ses proprios? Zéro.
C’est ÇA le modèle payant. De la grosse pollution bouette Si on suit uniquement le marché en se sacrant du reste, c’est ÇA que ça donne.
La taille du marché québécois
Un autre problème de perception, c’est que plusieurs gens vivent intellectuellement aux États-Unis et pensent naïvement qu’on peut appliquer les mêmes dynamiques de marché. Les Jeff Fillion de ce monde ont fait une carrière à propager ce genre de pensée naïve. (D’ailleurs, tous ses projets de trip indépendant se sont avérés des échecs.)
« Ils l’ont, l’affaire, les Américains! »
Pourtant, pas besoin d’être Pierre-Yves McSween pour comprendre qu’être rentable avec un média qui s’adresse à 300M d’habitants, ce n’est pas la même game que de s’adresser aux 8M de Québécois. Ça me rappelle tous mes amis parents qui s’étonnent que leurs ados écoutent tant de youtubeurs français. La France a presque dix fois la population du Québec, ce qui signifie dix fois plus de revenus publicitaires. Pour les Américains, c’est un marché 40 fois plus grand!
C’est facile à comprendre. Une chaine YouTube qui fait 10 000$/année au Québec, elle fera 100 000$/année en France et 400 000$ aux États-Unis. Tout ça pour la même qualité.
Pourtant, le prix pour les caméras, les spotlights ou le salaire du monteur, ça coûte sensiblement le même prix partout. La quantité d’heures à investir est la même. On se ramasse donc avec un produit de même qualité partout, mais qui n’est pas viable au Québec. Ça crée une industrie de monde à temps partiel, à temps perdu. Un sideline ou un truc qu’ils pourront se permettre le temps qu’ils habitent chez leurs parents.
Bon, si on se ramasse avec moins de chaines YouTube pour nous faire du ASMR de hauling ou de TikTok de Baldur’s Gate 3, ça n’a rien de dramatique. On peut s’en remettre. Sauf que des médias d’information en santé, c’est une partie essentielle d’une démocratie en santé.
On ne peut pas faire comme avec notre culture sous-financée et se réfugier vers un espèce de Netflix de l’information qui couvrirait la planète au complet. Le New York Times ou le Washington Post, c’est bien cool, mais les trucs qui se passent ici au Québec, ils s’en torchent!
Cela dit, je comprends une partie de la frustration…
Moi non plus, je n’étais pas le plus grand fan du Journal Métro. Moi aussi je pouvais chialer qu’ils étaient trop woke à mon goût. Un exemple encore plus fort serait The Gazette (un autre journal de gauche, ahah!) qui est dans le trouble ces dernières années et qui adore manger du méchant séparatissssse.
Mais c’est ça qu’il faut réaliser : il n’y aucun média québécois dont je ne suis pas critique.
La Presse a un historique de chroniqueurs et d’éditorialistes qui se cherchent des postes de sénateur entre deux chroniques de jogging. Le Devoir est souvent trop Québec solidaire à mon goût. Radio-Canada a clairement un biais canadian, multiculturaliste, power-Justin et c’est un peu normal considérant que tout le monde dans la boite sait bien qu’un gouvernement conservateur saccagerait complètement leur budget. (Ils veulent même fermer CBC!) Sans oublier le Journal de Montréal qui mise souvent sur la haine facile pour arriver à la fin du mois.
Un média parfait au modèle parfait, ça n’existe pas! C’est irréaliste. C’est une utopie. Chaque modèle a ses faiblesses. C’est un cas de pick your poison. Et comme pour la démocratie, même si c’est imparfait, ça reste mieux que de ne pas en avoir.
Souhaiter la mort de tous les médias, c’est du gros cynisme vide et immature. Il n’y a rien de plus facile dans la vie que d’être cynique. Ça parait cool durant tes années de cégep en fin de party, mais un moment donné, il faut se développer un peu de maturité et pousser sa réflexion plus loin.
D’ailleurs, c’est un peu ça le problème avec le climat sur X en ce moment : beaucoup trop de rebelles de cégep qui se trouvent cool avec leurs réflexions trop courtes et ignorantes. Et ce n’est pas en perdant encore plus de médias que ça va s’améliorer.
Je sais pas ... Des Youtubeurs comme Thomas Gaultier (qui pourtant traite toujours ses sujets sous un angle local) ou Gurky ont du succès en France. Notre génération a vu beaucoup de français passer plusieurs années au Québec (et pas juste tout les politiciens condamnés commet avant ^^) au point que de retrouver certaines de nos expressions dans le rap français.
Mais oui vous (tutoiement autorisé pour cet échange?) avez raison, c'était un média de niche.
Et en effet, l'angle "affaire" est un de mes biais et j'ai vraiment pas fait une bonne job à expliquer mon raisonnement. D'une part, LaPresse a déjà régulièrement des articles de nouvelles qui sont extrêmement difficile à lire avec un regard québécois (et c'est sans compter les dépêches AFP) et qu'à l'inverse, de nombreuses couvertures de sujets internationaux pourraient trouver public ailleurs dans la francophonie mais surtout, mon raisonnement, c'est que l'argent reste, dans le paysage médiatique le nerf de la guerre, surtout chez nous où même les média publiques sont menacés. Et qu'avec peu d'efforts, capter un faible pourcentage du marché français rapporterait suffisamment pour continuer à couvrir l'info locale, mais surtout, ça permet de travailler avec des régie publicitaires plus grosses qui reçoivent des campagnes qui payent beaucoup mieux. Il y a de gros effets de paliers.
Et évidemment, on a pas parlé du fait que y'a du monde qui se verse quelques millions en dividendes relativement peu de temps avant de fermer boutique ...
Mais à l'inverse, c'est un peu étonnant qu'il n'y a pas (ou extrêmement peu) de Youtubeur québécois qui ciblent le marché français comme les chanteurs se pop le faisait il y a 30 ans. Et c'est une qu qui s'élargit au media. Quand LaPresse a fait son virage numérique, ça faisait déjà une couple de mois que sur leur site, on pouvait lire des articles qui sont absolument incompréhensible pour qui n'est pas français ou prof de sciences politiques. J'étais donc persuadé que de larguer les amarres de l'imprimé, c'était en partie pour aller concurrencer les médias français chez eux. Et pour avoir longtemps gérer un média avec 82% d'audience en France depuis le Québec, Je reste d'avis que ça aurait fait crissement du sens.